L'interview de Luc - août 2020

1 - Cher Luc, quand je lis le début de votre histoire dans la fanfare Sainte Cécile de Leest, j’y vois beaucoup de similitude avec la Suisse et le Valais en particulier. L’éducation et l’encadrement des jeunes autour d’un projet avec les anciens dans la fanfare du village.

Quel souvenir gardez-vous de votre participation au World Music Competition de Kerkrade en 1978 et de votre premier titre de champion du monde avec votre fanfare Sainte Cécile de Leest ?

Avec le recul maintenant, ce sont des souvenirs qui m'ont marqué de manière durable en tant qu'enfant de dix ans. Je suis convaincu que si je n'avais pas eu la chance de pouvoir me familiariser avec la musique dans une fanfare aussi merveilleuse, grâce à mon grand-père, je n’aurais jamais été professionnellement impliqué dans la musique dans ma vie ultérieure.

La combinaison idéale d'une éducation de bonne qualité, d'un grand groupe d'amis, de pairs et de la prise de conscience que grâce à un travail acharné, vous pouvez réaliser d'énormes choses pour vous-même et pour les autres, était très importante pour moi.

Bien sûr, je ne me souviens pas beaucoup de notre participation à Kerkrade. Dans ma mémoire, le Rodahal était une immense salle. En réalité, lorsque j'y suis retourné plusieurs fois par la suite, c'était toujours plus petit que dans mon imagination de jeunesse !

2 - Willebroek, son conservatoire mais aussi plus tard son brass band ont beaucoup compté dans votre carrière. Racontez-nous votre meilleur souvenir avec ce brass band ? Vous avez bien connu Frans Violet. Il est sans conteste l’un des grands chefs de brass band belges et européens, et il a beaucoup compté dans le développement de votre carrière. Parlez-nous de Frans Violet ?

Si je devais citer deux noms qui m'ont influencé avant mes études (et longtemps après), ce sont certainement Jean-Pierre Leveugle et Frans Violet. Ils sont tous deux passionnés par tout ce qui concerne la musique et le mouvement brass band en Flandre en particulier. Frans Violet s'est fait dire un jour lors d'un hommage que «s'il n'existait pas, il fallait certainement l'inventer!» Des mots qui pourraient bien résumer l'essence de son unicité. Etre possédé, passionné et travailler jour et nuit avec le brass band sont des qualités qui m'ont fortement influencé. Avec Frans, et avec de nombreux autres musiciens particuliers avec lesquels j'ai pu travailler, je pense toujours que c'est un grand honneur de pouvoir faire ce que vous aimez le plus dans votre vie quotidienne. Passion et profession coïncident à ce moment-là, ce qui est toujours un privilège.

Que l'inconvénient soit en fait un dur labeur est souvent sous-estimé par les personnes extérieures, mais je n'ai personnellement jamais vécu cela comme un problème. Choisir un souvenir comme «meilleur» durant le temps où j'ai joué dans le Brassband Willebroek, est une tâche impossible. En plus des succès musicaux avec le brass band, je considère que les merveilleux moments personnels et amicaux passés avec mes amis musiciens comme le «meilleur» souvenir. Après tout, c'est un souvenir qui ne m’aura jamais abandonné après avoir quitté le groupe. Si je devais faire un choix, je choisirais de jouer les ‘’Variations on an Enigma’’ aux Championnats d'Europe de Brass Band à Doelen à Rotterdam en 1991, nous avions obtenu 98 points et la première place dans les œuvres à choix.

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3 - Vous êtes bardé de diplômes de conservatoire, vous avez obtenu un doctorat à l‘université de Salford à Manchester et vous préparez en ce moment un autre doctorat à l’université libre de Bruxelles et au Conservatoire Royal de Bruxelles ?

Quel est le sujet de cette nouvelle thèse et pourquoi un deuxième doctorat ?

Le sujet de mon deuxième doctorat au Conservatoire Royal de Musique de Bruxelles est l'étude et l'ouverture de la musique des synthésistes pour orchestre d'harmonie. Depuis mon plus jeune âge, je m'intéresse à l'histoire aux côtés de la musique et j'essaie depuis longtemps de combiner ces deux passions. La raison des deux doctorats n'est pas le titre palpitant en lui-même, mais principalement la délimitation formelle et le cadrage de l'étude sur laquelle je travaillais déjà par intérêt.
Je vis dans un pays avec une énorme richesse culturelle et un passé musical fascinant, qui malheureusement n'est pas toujours bien connu en Belgique. Surtout lorsqu'il s'agit du patrimoine musical, et de son ouverture, cela est souvent méconnu du grand public.

Mon doctorat à Salford intitulé ‘’Some missing episodes in brass (band) history’’ était une étude sur trois épisodes de l'histoire de la musique à vent belge qui ont été complètement oubliés. A partir de l'héritage de mon compatriote Adolphe Sax (sans qui l'orchestre de fanfare ou la fanfare serait impensable) j'ai recherché le répertoire pour le trombone Sax à six pistons indépendants, le répertoire de son propre ensemble, le Fanfare Sax (une petite fanfare avant la lettre) et la musique de Paul Gilson pour la ‘’Fanfare Wagnérienne’’, la classe de cuivres au Conservatoire de Bruxelles. Les recherches ont montré que le répertoire des compositeurs de la période précédant la Première Guerre mondiale à Paris et à Bruxelles était beaucoup plus riche et plus intéressant que celui du mouvement des brass bands en Angleterre. Il aura fallu attendre jusqu'à la fin des années 1920 et 1930 pour que les grands compositeurs de l'âge d'or composent pour brass band.
Je suis actuellement à peu près à la moitié de mon deuxième doctorat. Les Synthétistes sont un mouvement de jeunes étudiants de Paul Gilson qui a composé une série d'œuvres originales pour orchestre d'harmonie dans l'entre-deux-guerres qui sont sans précédent. À cette époque, nous n'avions pas, en Belgique, d'orchestre symphonique professionnel permanent en dehors des orchestres d'opéra et Paul Gilson a convaincu ses étudiants de composer leurs grandes œuvres symphoniques originales pour orchestre d'harmonie. La Musique royale des Guides et Arthur Prevost ont défendu leur musique.
Quiconque entendra bientôt ces œuvres sera, espérons-le, aussi étonné que moi de découvrir la grande musique qui a été jouée en Belgique entre 1920 et 1930. En ce qui me concerne, ils font tous pâlir d’insignifiance le répertoire bien connu pour orchestre d'harmonie de compositeurs comme Gustav Holst, Ralph Vaughan Williams et Percy Grainger.

Une étude scientifique approfondie de la musique à vent est un sujet qui a peu de résonance, mais je pense que c'est important si nous voulons donner à notre médium la publicité nécessaire à un large public et le sérieux nécessaire au sein de la scène musicale classique.
Peu de gens savent à quel point les orchestres à vent et les brass bands sont vraiment bons ! Quiconque est actif dans le monde de la musique à vent ou dans le monde du brass band, accorde trop peu d'attention à la musique de très haute qualité, en particulier celle de notre riche histoire.

Cette étude est très importante pour moi. J'aime beaucoup l'aspect compétition "sportive" du monde des brass bands. L'auto-apprentissage scientifique offre un bon équilibre entre le sport, l'action et l’esprit.

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4 - Vous avez dirigé durant de nombreuses années le prestigieux Brass Band Buizingen qui fait partie des meilleures formations européennes. Vous avez participé et gagné de nombreuses compétitions avec ce brass band. Quel est le plus beau souvenir que vous en gardez ?

Si vous êtes, durant la moitié d'une vie de chef d'orchestre, connecté au même orchestre, il y a trop de moments que vous avez passés ensemble pour en choisir quelques-uns, mais je vais faire de mon mieux !

Le meilleur souvenir, et c'est celui que je préfère personnellement, avec un certain nombre de musiciens qui font partie du Brassband Buizingen depuis longtemps, est l'énorme chemin et la progression que nous avons connus ensemble. Les premiers pas en 1993 (?) furent très soignés et réfléchis car l'orchestre sortait d’une période de difficultés. Nous avons patiemment construit cette route et vécu ensemble de belles choses, Cela restera mon meilleur souvenir.

Quand il s'agit de musique, il est difficile de choisir certains moments de ce long voyage. Des moments musicaux spéciaux pour moi (je pense aux oeuvres) ont été ’’Diversions on a Bass Theme’’ avec le Major Peter Parkes, ‘’Ravelling Unraveling’’ et la première de ‘’Earthrise’’ à Linz. Je remercie encore le trombone basse Michel Fontaine pour son aide médicale et Raf Anseeuw pour le (rare !) dernier tirage favorable. La veille de la première, j'ai eu une intoxication alimentaire à Linz et seule l'adrénaline m'a permis de diriger. Je vous épargnerai les détails supplémentaires ...
Outre les beaux moments musicaux, le brass band était aussi un groupe d'amis proches durant cette longue période. Prendre un petit-déjeuner avec James Watson à Bruxelles après un concert (sans lui dire que vous n'aviez pas dormi, c'était spécial !) Ou la triste messe funèbre de l'une des membres les plus fidèles et trésorière, Agnes Boon, ou le brass band a joué au complet, sont des souvenirs inoubliables.

L'amitié dans les bons comme les moments difficiles, mais surtout de nombreuses belles performances musicales restent pour moi de très beaux souvenirs de cette longue période.

5 - Prenons comme exemple la structure du Brass Band Buizingen que vous avez bien connu et qui parait être représentative des brass bands belges. Est-elle constituée de musiciens amateurs, de professionnels, et comment vit économiquement le brass band ?

Les meilleurs brass bands belges (dont j’en connais bien quelques-uns) sont un bon mélange de tout cela. De très bons musiciens amateurs et des professionnels passionnés pour le brass band composent généralement le line-up des orchestres belges de la section Champion. Les musiciens amateurs ont généralement reçu leur éducation dans l'une de nos académies de musique lors de leur éducation artistique à temps partiel, qui a un excellent niveau dans notre pays. Souvent, ils font toujours partie de leur propre moederorkest «orchestre mère», souvent une fanfare ou un orchestre de concert de la région ou d'ailleurs. Parce que la Flandre (dans les régions francophones et germanophones du pays, il n'y a pratiquement pas de fanfare active) est géographiquement petite, les musiciens font souvent de longs voyages pour jouer dans l'un des meilleurs orchestres. Les professionnels sont soit des enseignants dans la même formation artistique à temps partiel ou des cours de jour, soit ils jouent dans un orchestre militaire, et parfois également dans un orchestre symphonique.

La Flandre possède un mouvementde  brass bands relativement petit, mais le meilleur de celui-ci est internationalement connu. Je dois également vous informer qu'un certain nombre de musiciens individuels sont parmi les meilleurs solistes au plan international. Tout cela est le résultat d'un mouvement brass band relativement jeune qui s'est énormément développé au cours des 45 dernières années, en termes de qualité. Je pense que cela a été possible grâce aux efforts et au travail acharné de nombreux pionniers. Je suis heureux d'en avoir vécu moi-même une longue période.

L'enthousiasme avec lequel tous les groupes ont travaillé a toujours été bien supérieur au rendement économique. A part nos footballeurs belges qui ont une valeur marchande élevée, peu d'argent est impliqué dans nos groupes. Les groupes peuvent (en fonction de la volonté politique et des intérêts) compter sur une subvention de leur municipalité. Jusqu'à, il y a environ cinq ans, le gouvernement provincial soutenait également la musique amateure, malheureusement celle-ci a largement disparu. Afin de maintenir un brass band en état économique et de garantir son fonctionnement, les groupes doivent compter sur les idées créatives d'une bonne équipe de direction. Le parrainage est pratiquement inexistant. En parlant de mon expérience au sein du Brassband Buizingen, nous pouvions souvent compter sur la contribution des musiciens eux-mêmes pour des évènements exceptionnels comme la participation à des concours internationaux.
Vous ne devenez donc pas riche en jouant (ou encore moins en dirigeant) un brass band belge. Heureusement, car cela n'a pas de prix !

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6 - Vos nombreuses collaborations artistiques avec des chefs ou des solistes étrangers montrent bien votre esprit d’ouverture. Parmi ceux-ci, quel chef et quel soliste vous ont le plus impressionné ?

Merci pour cette question légitime avec une autre réponse impossible...

J'ai toujours pris une grande part dans le choix de ces invités. Un par un, ils ont été impressionnants, tant pour moi que pour le brass band. Nous les avons invités parce que je pensais toujours que pour moi mais surtout pour le band, ce serait une grande expérience artistique.
Un fan néerlandais du brass band m'a dit un jour lors d'une conversation : "Ce n'est pas difficile que tous vos musiciens soient si bons, ils n'ont qu'à imiter tous ces grands musiciens que vous avez invités ces dernières années".

Mais pour répondre à votre question, mes deux favoris sont Howard Snell et Peter Roberts. Howard, car en plus d'être un chef d'orchestre de premier plan, c'est un si grand pédagogue, il a un large horizon musical qui nous a permis de parler à l'infini de tous les sujets possibles. En ce qui concerne les solistes, nous avons eu ceux qui pouvaient jouer des notes les plus graves aux notes les plus élevées ! Y compris certains qui pourraient peut-être évoquer les notes les plus rapides du monde à partir d'un instrument de cuivre ! Un d’entre eux, cependant, n'avait qu'à jouer une note pour que tous les cheveux de votre tête (quand j’en avais encore) et les bras se levaient ! Avec Peter Roberts, nous avons vécu des moments très spéciaux, lors de concerts, d'enregistrements de CD et lors d'une invitation spéciale pour une fête de mariage. Supersop Peter n'est pas seulement un musicien spécial, mais aussi une personne très gentille et il avait adoré jouer pendant la messe de mariage de l'un des joueurs de cornet. Le mariage n'a pas duré, mais cela n’est certainement pas dû au cadeau musical spécial !

7 - Vous dirigez le Hauts-de-France Brass Band, ce jeune brass band français (1992) a gagné, sous votre direction, trois titres nationaux en 2017, 2019 et 2020. Palanga a malheureusement été annulé, mais Malmö aura probablement lieu en 2021. Quelle ambition nourrissez-vous au plan européen pour le Hauts-de-France ?

Il est à remarquer que le Brass Band Hauts-de-France ait été fondé à l'époque où j'ai commencé à diriger le Brass Band Buizingen. Pendant un certain temps, j'ai dirigé les deux brass bands simultanément, mais maintenant le Hauts-de-France est mon terrain de jeu musical unique (avec le BB Gand). En raison d'un certain nombre de facteurs, c'est un brass band avec un grand potentiel musical et une belle marge de croissance. Je n'ai pas besoin de faire un dessin (pour les connaisseurs) pour expliquer qu'un brass band qui peut remporter les œuvres électives au Championnat d'Europe de Brass Band à Utrecht, a des qualités énormes !

L'ambition de l'orchestre est de jouer de bons concerts et de remporter les concours auxquels il participe.
Tout comme pour les brass bands d'autres pays que j'ai dirigés, vous avez besoin d'excellents musiciens et d'une équipe de direction sensée et assidue, deux facteurs qui sont présents dans le Brass Band Hauts-de-France. L'orchestre est un bon mélange entre de jeunes musiciens très talentueux (élèves du conservatoire) et des professeurs et / ou professionnels plus âgés et plus expérimentés.
Ce qui est différent de beaucoup d'autres orchestres avec lesquels j'ai travaillé dans d'autres pays, c'est le bassin relativement important de musiciens potentiels et formés dans le voisinage immédiat. Le nord de la France compte de nombreux autres brass bands dans cette petite région. Les possibilités de concerts dans un grand pays comme la France qui porte beaucoup d'attention à la culture et à la musique (et la meilleure cuisine !) Sont des atouts.
Même si ma connaissance de la langue française est encore faible, musicalement on se comprend bien.

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8 - Depuis 2018 vous dirigez le Brass Band Gand qui débutera cette année dans la division Champion de Belgique, c’est-à-dire dans la cour des grands ! Comment voyez-vous ce passage en ligue supérieure ?

L'ambition du Brassband Gand est de devenir le meilleur band possible sur le long terme. Les règles pour cela ne sont pas différentes à Gand que dans le reste du monde : assurez-vous d'avoir un line-up complet et le meilleur possible, travaillez dur, essayez de créer un bon calendrier de concerts chaque année et apprenez en participant à des compétitions pour s’améliorer.

Peut-être plus tôt que prévu, Brassband Gand accède à la division la plus élevée. Il y a tout lieu de le faire si les conditions antérieures peuvent être satisfaites dans une large mesure. L'avantage d'une première entrée lorsque vous faites une promotion à partir d'une division inférieure est toujours que vous êtes le petit dernier et que vous n'avez rien à perdre !
Espérons que ce championnat puisse avoir lieu fin novembre, car au sein du secteur culturel, presque tous les événements de notre pays ont été annulés jusqu'à la fin de cette année en raison de la crise du COVID 19. On peut désormais répéter avec les mesures et la distance nécessaires depuis début juin. Malheureusement, plusieurs concerts et une production théâtrale ont été annulés cet été en raison de la crise.
Si ces mesures se relâchent, nous espérons pouvoir refaire de la musique ensemble à toute vitesse prochainement.

9 - Vous êtes sollicité comme membre du jury lors des plus grandes compétitions de brass band européennes et nationales. Une question que se posent beaucoup de fans de brass bands, expliquez-nous comment cela se passe techniquement et pratiquement ?

Bonne question, techniquement, cela ne fonctionne pas différemment d'un bon fan dans le public ou d'un bon chef d'orchestre. Vous utilisez vos oreilles et votre cerveau et vous essayez de votre mieux et en toute bonne conscience de distinguer le meilleur des bons brass bands et de les disposer correctement.
En termes pratiques, cela fonctionne généralement bien si l'organisation choisit trois membres du jury qui sont tous trois bien préparés (ont fait leurs devoirs) et ont le bagage musical et l'expérience. Ensuite, il s'agit généralement d'une bonne collaboration et parfois de se corriger mutuellement afin d'obtenir un bon résultat final. Cela se déroule presque toujours de manière très fluide et détendue. Ce que beaucoup de fans sous-estiment, c'est l'effort physique et mental que cela nécessite pour écouter tous les brass bands en détail. Certains fans écoutent certains bands (préférés) et ont parfois un jugement préconçu. 

Mon respect est grand pour les fans qui, comme les membres du jury, préparent et écoutent tous les brass bands.

D'un point de vue moral, je considère comme un devoir de les juger au mieux dans une situation où tous les musiciens et les chefs sur scène ont étudié pendant d'innombrables heures une ou plusieurs œuvres. Au début, j'ai eu la chance de pouvoir juger à quelques reprises avec des icônes comme David Read. Dans ces moments-là, vous apprenez beaucoup du travail spécifique du juge.

Beaucoup de musiciens oublient parfois que pour un membre du jury chaque ensemble commence avec 100 points et qu'il ne faut pas d'abord s'assurer de gagner des points, mais surtout de ne pas en perdre ! Les règles d'or sont toujours qu'un bon compositeur met toujours la vérité sur papier, qu'il est facile de distinguer la culture sonore et la manière de jouer d'un grand brass band d'un bon brass band et qu'il faut "faire" de la musique. Les notes ne deviennent pas automatiquement de la musique.

Pratiquement parlant, c'est aussi le moyen le plus simple de perdre le plus d'amis possible en une journée ... En fin de compte, le gagnant vous jugera comme le meilleur membre du jury !
Vous entendez presque toujours de la belle musique qui est bien interprétée et lors de nombreuses compétitions (certainement sur le continent mais pas toujours lors des événements les plus prestigieux), vous êtes, en tant que membre du jury, bien choyé par l'organisation et vos connaissances sont appréciées.

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10 - Comme certains de vos collègues, vous êtes régulièrement invité à diriger des brass bands à l’étranger. Une compétition a retenu mon attention : le British Open où vous avez dirigé une fois le Grimethorpe Colliery Band en 2013 et deux fois le Carlton Main Frickley Colliery Band en 2018 et 2019.

Pour en avoir beaucoup parlé avec Arsène Duc le chef du Valaisia Brass Band, il me disait que cette compétition est vraiment unique et très spéciale.

Quelles ont été vos expériences au British Open ?

Le British Open Brass Band à Birmingham est spécial compte tenu de l'énorme tradition que cette compétition perpétue. C'est une collection des meilleurs brass bands et vous avez la chance de pouvoir jouer dans la grande acoustique du Symphony Hall. J'y ai dirigé quatre fois, mais la grande différence avec mon bon collègue Arsène c'est que ce n'était pas avec ma propre formation mais en tant que chef invité. Arsène et le Valaisia ​​étaient à Lille en 2016 devant le Brassband Buizingen puis ont participé au British Open pour la première fois en 2017 et ils ont gagné de manière impressionnante !

Je pense que j'ai en commun avec Arsène, le fait que lorsque je participe à un concours avec mon propre orchestre, j'essaie de maîtriser au maximum tous les aspects de la préparation d'un concours. Le premier ingrédient de cette recette est très minutieux et nécessite beaucoup de répétitions.
Vous ne pouvez pas contrôler un certain nombre d'autres ingrédients de cette préparation avec un orchestre que vous dirigez en tant qu'invité. Vous faites un nombre limité de répétitions avec eux, peu d’essais et vous supposez que le chef d'orchestre résident a effectué un travail préparatoire qui correspond à vos idées et que l'orchestre se produira sur scène avec tout son potentiel.

Parfois, en ce qui me concerne, chef invité m’a procuré un sentiment très agréable comme avec le Carlton Main Frickley Colliery dans ‘’A Brussels Requiem’’ de Bert Appermont au British Open en 2018. De plus, j'ai souvent de bons souvenirs de travail avec d'autres brass bands dans des lieux ou des moments moins prestigieux. Ils ne sont pas moins importants pour ma mémoire. En fin de compte, en tant que chef d'orchestre, vous obtenez le meilleur sentiment lorsque les musiciens veulent vraiment jouer pour vous et pour le groupe et faire de la musique sur scène.

11 - Enfin, pour terminer je dois relever que votre ville de Leest, sous l’impulsion de Stan Gobien, bugle de la fanfare, a organisé en 1975 le premier concours européen de brass bands non officiel remporté par le Carlton Main Frickley Colliery Band que vous avez dirigé lors des British Open de 2028 et 2019. Etonnant retour de l’histoire ?

Qu’en pensez-vous ?

C'est un fait divers mais c'est vrai. Le trophée est toujours dans la salle de répétition de Carlton Main.  J'en ai pris une photo et j'ai eu une belle conversation à ce sujet avec M. Carlton Main, Ray Sykes, leur actuel président, homme indispensable et ancien bassiste du band.

Ray, lui-même était là en tant que musicien en 1975 à Leest et il se souvient encore de toutes les anecdotes du concours et de l'enregistrement pour la radio belge du lendemain. Jan Segers (mon ancien directeur à l'académie de musique de Willebroek), était membre du jury à Leest et avait supervisé l'enregistrement. Chaque fois que le trombone basse jouait en solo, Jan Segers lui demandait de s'éloigner un peu plus du microphone car il sonnait beaucoup trop fort. Le musicien a fait cela environ trois fois sans problème, mais il a toujours réussi à jouer encore plus fort ! À la fin de l'enregistrement, selon Ray Sykes, il était presque à l'extérieur du studio…

J'ai également pu expliquer à Ray pourquoi le mot «Lamot» était gravé au dos de la coupe. Ray était convaincu depuis plus de quarante ans que Lamot était une figure bien connue du monde de la musique belge ou un homme politique local de grande importance. Il a été étonné quand je lui ai dit dans un pub, après une répétition, que Lamot était un brasseur local qui avait parrainé le trophée !

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Merci Philippe pour votre belle interview.
Ensemble, nous partageons la passion de notre magnifique mouvement brass band.

Cordialement  Luc

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